IV
J'ai construit une maison
sur l'aile du vent
une maison qui n'est pas la mienne
des voix viennent y habiter
fertiles et vives
comme une lumière blessante
des êtres passent
à l'embrasure des fenêtres
déposent une fleur rouge
puis s'évanouissent
certains s'installent dans la maison
pour durer comme ils disent
et leurs bouches palpitent
comme de longs poissons
je les regarde venir et parler
de leurs langues vivantes
je les accueille
à l'ombre d'un silence
qui grandit
dans mes murs de soif
et de mains qui ne retiennent pas
in Quatre chevaux de hasard, éditions Folle Avoine, 2015, p.62
Mérédith Le Dez, découverte cet été au Festival de Sète, est née en 1973, poète et écrivain breton, elle vit à Saint Brieuc, dans les Côtes d'Armor.
Elle se trouvait le 28 juillet dernier, Place du Pouffre, aux cotés de Lydia Padellec, son éditrice de La Lune Bleue, pour une lecture de Chanson de l'air tremblant : un précieux petit livret, cousu main et illustré de gravures de Chantal Gouesbet, où cavalait, entre ironie et douceur, un mystérieux destrier du temps bleu.
Destrier du temps bleu
dans le métal d'un matin
tout en armes
et piqueté d'aiguilles
et pudiquement corseté
il y a
odeur de fronde et neuves fougères
figé tout un sang prêt à bondir
au cœur des flamboyants
et dangereuse
toute cette chaleur d'arbre trop vivant
et si moite en vérité
mal murée dans l'armure
in Chanson de l'air tremblant, avec les gravures de Chantal Gouesbet, éditions de La
Lune bleue, 2016
Elle guerroie également avec fougue et fracas dans Journal d'une guerre, livre d'un tout autre ton,
marqué par une période de conflits multiples, paru aux éditions Folle Avoine en 2013, qui lui a valu
le Prix Yvan Goll en 2015 .
Quatre chevaux de hasard, paru en 2015, fait allusion aux chevaux de l'apocalypse.
Mérédith Le Dez y pose des questions existentielles tandis que l'empreinte gagne tout comme
une ombre humide, imbibe peu à peu les murs, le sol de terre battue et jusqu'à l'air tandis que
ces chevaux de hasard, au loin sur l'horizon, galopent drus et noirs.
Il se dégage de cette poésie une grande sensibilité aux éléments, propre aux celtes et à leurs rivages
battus par les flots mais toujours ouverts sur le large.
Cavalier seul, paru en 2016, a valu à Mérédith Le Dez le Prix Vénus-Khoury-Ghata, en 2017.
Ce recueil illustre magnifiquement la ténacité du poète.
battus par les flots mais toujours ouverts sur le large.
Cavalier seul, paru en 2016, a valu à Mérédith Le Dez le Prix Vénus-Khoury-Ghata, en 2017.
Ce recueil illustre magnifiquement la ténacité du poète.
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XII
Dans la marche lente
que je reprends chaque matin
plus précisément vient cogner
au fil du temps répétée
dans ma tête
la même question
qui n'est celle ni
du cheval des heures enfuies
ni du cheval des lendemains
qui auraient chanté.
– Qu'as-tu fait de ton talent
dis qu'en as-tu fait
in Cavalier seul, éditions Mazette, 2016, p.69
XV
Depuis quatre saisons
deux fois passées
je n'enfourche plus
aucun des deux chevaux faciles
à qui j'ai laissé bride sur le cou
et même donné congé.
Mais cheval des heures enfuies
et cheval des lendemains
qui auraient chanté
tournent à leur guise
dans ma tête hospitalière
quand je vais à pied.
Je fais cavalier seul
désormais
dans l'horizon indifférencié
avec un sac pesant sur les épaules
dont le poids m'est familier.
Je porte indistinctement
en lieu de casaque
le manteau pèlerin
qui se confond
avec l'ardoise
l'eau
le silence.
ibid p.75/76
II
Grand galop sur l'horizon
les ponts élèvent
une rumeur de joie
à la rencontre du jour bleu
et le soleil triomphant
couronne l'absence
où tremble un désir
La mer
dans l'échancrure d'hiver
est pavillon d'attente
ou caparaçon d'oubli
in Quatre chevaux de hasard, Éditions Folle Avoine, 2015, p.60
VII
Le silence a replié sur la pluie
de grandes ailes noires
Un dimanche de suie
pleure à la fenêtre
ibid p.65
Rien n'est jamais étriqué car soudain, toute cette eau rassemble et porte loin ...
VIII
Le silence tremble sur la nuit
Endormis aux paupières lisses
vos yeux naviguent
vers d'autres rives
Comme une eau lente
j'attends le matin sur l'horizon
ibid p.66
Mérédith Le Dez a trouvé à l'évidence en poésie sa droite raison de vivre, car chacun de ses
poèmes interpelle profondément son lecteur.
XXVI
J'écris contre la nuit bleue
qui meurt à la fenêtre
il neige loin sur les yeux
à la fenêtre le ciel pâlit
un vol d'oiseaux amers
au-dessus de la ville
suspend l'épée du jour
sera-t-elle aujourd'hui d'un métal
sourd à ma lassitude
ou forgée à la clarté du silence
une droite raison de vivre
in Quatre chevaux de hasard, éditions Folle Avoine, 2015, p.86
En guise de conclusion, je citerai ces mots du poète, notés lors de sa présentation à Sète, qui
confirment son exigence dans le domaine de l'écriture :
" Le fait d'être dépositaire d'une langue et d'une culture, implique d'avoir la conscience du trésor
qu'est la parole".
Bibliographie:
- Quatre chevaux de hasard, Éditions Folle Avoine, 2015
- Chanson de l'air tremblant, Éditions de la Lune bleue, 2016
- Cavalier seul, Éditions Mazette, 2016
- Journal d'une guerre, Éditions Folle Avoine, 2013
sur internet:
- http://www.claude-ber.org/INVITEE-DU-MOIS-Meredith-Le-Dez_a375.html
- http://www.letelegramme.fr/bretagne/litterature-le-monde-de-meredith-13-11-2015-10847379.php
- http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2017/06/m%C3%A9r%C3%A9dith-le-dez-la-nuit-si-je-ne-dors-pas.html
- http://www.recoursaupoeme.fr/critiques/journal-d%E2%80%99une-guerre-de-m%C3%A9r%C3%A9dith-le-dez/pascale-tr%C3%BCck
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