Port des Barques

Port des Barques

samedi 15 août 2015

Georges Drano, "l'invisible présence"

        Le lac est toujours plus loin
        dans le temps
        Il lui faut l'absence pour durer
        Et la surface d'une eau
        Où ce qui passe ne revient pas.
 
        in À jamais le lac, éditions Editinter 2011, p.11

En juillet 2013, interrogé par Gérard Meudal, durant le Festival de Poésie de Sète, Georges Drano disait à propos de la poésie:
     
       La pratique de la poésie c'est montrer la réalité sous-jacente à ce qu'on voit et on voit tous autrement.

En ce domaine le poète fait preuve d'une grande originalité.

         Traverser le village, aller au lac.
         Rien à convaincre, rien à suivre.
         Il faut de l'acquiescement pour
         reprendre le trajet dédié à l'invi-
         sible présence. Il faut de l'aban-
         don pour dire un autre jour qui
         n'est plus dans la lumière, une
         autre voix qui n'est plus dans
                           le jour.

         ibid p.16

Ainsi introduit-il dans sa poésie autant de simplicité que de profondeur. Avec une économie de mots, il fait le choix d'éléments de la nature dont il révèle les dessous et l'immanence. Ainsi un lac, des friches, des buissons, un vieux mur ou la lumière sous la porte font-ils l'objet de tout un recueil et se révèlent proches de l'insaisissable. Ainsi Les buissons que traverse la nuit connaissent l'obscur voyage de la lumière.
D'origine bretonne, Georges Drano a vécu en Vendée où il était enseignant. Il a milité avec succès pour la défense des talus, des haies, des bocages et des marais salants de Guérande. Il est maintenant installé dans l'Hérault, où il a une vigne.
Présence discrète mais attentive, il accompagne depuis plusieurs années, avec son épouse et poète Nicole Drano-Stamberg, les riches heures du festival de poésie de Sète.

À jamais le lac, paru en 2011, nous introduit à cette présence silencieuse de l'eau:

        Aucun village ne porte
        le nom du lac
        Il se tient où les mots
        ne suffisent plus.

        Village près du lac
        Sans savoir qui garde l'autre

                          *

        Sans le lac qui nous retenait
        aurions-nous parcouru le
        pays en tous sens. Rien que
        nos pas dans le partage du
        sentier vers les collines sans
        horizon. Le contenu de la
        main laissé à l'air, le contour
        de la parole au son imprévisible.
        Aiguilles aux lèvres,
        brindilles au vent.
        Persévérance d'un lieu où
        perdre son nom n'est qu'un
        murmure.
                    
                       *

        Le lac ne s'ouvre pas
        L'eau n'a pas de trace
        Elle éloigne les questions
        En bas du temps
        Elle ne retient rien
        Elle reçoit.

        ibid p.22/23/24

Cette méditation sur la place de l'homme dans la nature se déroule sur un ton amical, qui n'est jamais ennuyeux ou pédant. Observant de même un vieux mur, un sentier, un buisson, il est à l'écoute de la vie qu'il traduit avec finesse et sensibilité.

         Le paysage que tu traverses
         et que tu sens grandir en toi
         Connais-tu son histoire
         sans te retourner
         Des terres lentement
         remontent au visage
         Odeur d'eau battue
         levée dans les herbes
         Glissement des pierres
         de l'ombre au demi-jour
         À peine ébauché
         Le sentier que tu empruntes
         est une part de toi
         sans cesse à gravir.

         ibid p.32

Le lecteur, ainsi "enseigné", perçoit la nature sous ces aspects les plus humbles et se sent invité à s'en faire le défenseur.

          L'enfant qui court sur la rive
          entend-il à ses cotés
          le bourdonnement des abeilles
          Où se cache-t-il?
          Dans l'espace qui nous sépare
          il va.
          Le silence n'est pas un partage
          Il naît du tremblement des mots.
          Toujours sur la rive opposée
           il passe (il s'éloigne).

          ibid p.52

Avec lui nous devenons ces:

          Nageurs libres dans le bruit indécis
          de l'eau démêlant de leurs bras ou-
          verts ce qui bouge encore en eux de
          ce corps réel où la mort se tient
                         en elle-même.

           ibid p.54

Dans l'entretien de Sète, il précisait qu' "on n'apprend pas à écrire de la poésie,  pas même dans les ateliers d'écriture. On apprend, ou on vient à la poésie, en écoutant ou en se nourrissant de la poésie des autres. Les autres sont des "lanceurs".
En cela, il s'inscrit pleinement dans le projet de ce blog.

           Une fois vendangée
                   La vigne
           ne se referme pas
                   Elle reste
           avec tout ce qui reste
                sans réponse.

            in Premier soleil sur les buissons, Rougerie 2009, p.35

Bibliographie consultée:
  • Premier soleil sur les buissons, Rougerie 2009
  • Un mur de pierres sèches, Atelier La Feugeraie 2009
  • À jamais le lac, Editinter 2011
         
 sur internet:


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