Port des Barques

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vendredi 17 juillet 2015

Jules Supervielle, Le matin du monde

Voici venu le temps des vacances, celui des mises entre parenthèses, des ruptures et découvertes, des dépaysements et du renouveau. Le Temps bleu fait une pose, sans perdre de vue la poésie et ses poètes. Il reste bien sûr accessible par le lien habituel à ceux qui souhaitent le découvrir ou y revenir tout à leur aise.
En gage de retrouvailles, j'offre à vous tous, lecteurs, ce poème plein de tendresse et de fraternité de Jules Supervielle.

        Le matin du monde

                                                           À Victor Llona

        Alentour naissaient mille bruits
        Mais si pleins encor de silence
        Que l'oreille croyait ouïr
        Le chant de sa propre innocence.

        Tout vivait en se regardant,
        Miroir était le voisinage
        Où chaque chose allait rêvant
        À l'éclosion de son âge.

        Les palmiers trouvant forme
        Où balancer leur plaisir pur
        Appelaient de loin les oiseaux
        Pour leur montrer leurs dentelures.

        Un cheval blanc découvrait l'homme
        Qui s'avançait à petit bruit,
        Avec la Terre autour de lui
        Tournant pour son cœur astrologue.

        Le cheval bougeait des naseaux
        Puis hennissait comme en plein ciel
        Et tout entouré d'irréel
        S'abandonnait à son galop.

        Dans la rue, des enfants, des femmes,
        À de beaux nuages pareils,
        S'assemblaient pour chercher leur âme
        Et passaient de l'ombre au soleil.

        Mille coqs traçaient de leurs chants
        Les frontières de la campagne
        Mais les vagues de l'océan
        Hésitaient entre vingt rivages.

        L'heure était si riche en rameurs,
        En nageuses phosphorescentes
        Que les étoiles oublièrent
        Leurs reflets dans les eaux parlantes.

        In Gravitations, Matins du monde, Poésie/Gallimard, 1999, p.109/110

sur internet


       

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